Utilisateur:Marcel/Guillemets simples chevrons

De Disposition de clavier bépo

Les guillemets simples chevrons semblent ne pas être en usage en France, du moins en ont-ils la réputation, ou plus exactement : ils n’en ont aucune entre l’Atlantique et le Jura. La raison ? Aucun code, marche ou guide typographique ne s’emploie à les recommander dans l’Hexagone. Mais il n’est pas non plus très clair comment la réputation des caractères se fait et se défait.

Ce qui est sûr pour l’instant, c’est que le projet d’azerty AFNOR dévoilé pour l’enquête publique de 2017 a les guillemets doubles chevrons en clavier bépoAltGr sur la rangée de repos, touches clavier bépoL et clavier bépoM, et les guillemets simples chevrons sur les mêmes touches en clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr. On note aussi la synergie de l’espace fine insécable (EFI) avec ces derniers, dont elle partage le niveau. À la même échéance, le bépo 1.1 propose d’accéder aux guillemets simples chevrons par la touche morte ‹ Latin étendu et ponctuation étendue › : clavier bépoAltGr+clavier bépoT  suivie de clavier bépo« ou clavier bépo» (touches clavier bépo3 et clavier bépo4).

L’ajout de la prise en charge des guillemets simples chevrons sur le bépo est cohérente avec les contraintes que le projet bépo s’est imposées pour la mise à niveau de la disposition. La première priorité est de ne pas modifier la maquette d’impression des touches telle qu’elle est en usage auprès des constructeurs, mise à part la permutation des apostrophes, qui n’impacte pas trop le visuel tout en améliorant la prise en charge du français depuis qu’on n’utilise plus d’ordinateurs limités à ISO/IEC 8859 (Latin-1, Latin-9). Le problème est que sur le bépo, pour les guillemets simples chevrons, les emplacements correspondant à leur disposition sur l’azerty AFNOR sont occupés par les guillemets doubles apostrophes, qui selon l’une des traditions françaises jouent le même rôle de délimiteurs des citations de deuxième niveau.

Second choix : simplement remplacer les symboles ≤ et ≥ non par ⩽ et ⩾, mais par les guillemets simples chevrons. Mais cela est si improbable côté cohérence que personne n’a eu cette idée pendant l’élaboration du projet de norme. Ni pendant l’enquête publique. Sans doute parce qu’« ils ne sont pas en usage en France », justement. Cela dit, le bépo en tant que disposition francophone ayant pour vocation de couvrir “aussi” la Romandie, où ces ponctuations ont la réputation d’être en usage, leur absence de la carte vive est peut-être dommage.

Faute de pouvoir fournir un dossier d’exemples numérisés ou déjà sur la toile, j’ai fini par regarder un peu ce qu’il en est dans les codes typographiques sur lesquels j’ai pu mettre la main dans un premier temps, grâce à leur présence dans une salle de lecture de bibliothèque universitaire, fréquentée en trombe. Le résultat est édifiant : Nous pouvons faire comme nous voulons finalement, pour peu que l’objectif soit bien d’assurer à nos écrits une intelligibilité maximale.

Attention

  • Cette page exprime un point de vue (POV).
  • L’objectif est de résoudre un problème qui a été posé, en clarifiant un point d’orthotypographie, dans le but d’aplanir la voie du développement des dispositions de clavier pour la France.
  • Je pense que l’enjeu pour le bépo est important, et qu’il faudrait promouvoir une redisposition marginale supplémentaire, dans le respect de la carte simplifiée.
  • Les citations sur cette page, ayant pour fonction d’illustrer le propos, respectent de ce fait le droit d’auteur (qui autorise les citations d’extraits dans un but d’illustration).
  • S’agissant de recopie d’ouvrages imprimés, les espaces accompagnant les grandes ponctuations ont été transcrites par des fines insécables, sans que cela préjuge des caractères d’espacement présents dans le fichier source d’origine.
  • Sous réserve d’erreurs de recopie (en deux temps, d’abord au stylo bic).
    Merci de se reporter aux ouvrages originaux cités.


Suivez le guide

Pour prendre connaissance des possibilités de guillemetage qui existent en France, j’ai commencé par la théorie. Outre le Lexique de l’Imprimerie nationale, cité dans la partie #Imprimerie nationale, on a le site consacré à l’orthotypographie de Jean-Pierre Lacroux, collection de matériaux d’un auteur décédé avant l’âge. C’est probablement surtout une accumulation d’avis personnels, exprimés de manière parfois attachante, parfois limite, en fonction de goûts personnels très tranchés, et sans doute sous la pression du temps qui passe, en fonction des questions soumises à l’auteur. On y trouve une section sur les guillemets.

Nouveau code typo

Ce que j’ai voulu voir en priorité comme la source qui a l’air d’être la plus réputée, c’est le Code typographique de la Société amicale des directeurs, protes et correcteurs d’imprimerie de France. Cet ouvrage, qui existe depuis 1928, a bénéficié d’une réédition en 1997 (la dernière pour ces vingt dernières années).

Titre : Le Nouveau code typographique

Titre de couverture : NOUVEAU CODE TYPO

Sous-titre : Les règles typographiques de la composition à l’usage des auteurs, des professionnels du livre et des utilisateurs d’ordinateurs

Auteur : Révisé, complété et modernisé par Robert Guibert

Éditeur : Fédération de la communication CFE/CGC

Lieu : Paris [adresse et numéros de téléphone et télécopie]

Date : Septembre 1997

Dans WorldCat on trouve ce résumé : « La rénovation du Code typographique a été rendue nécessaire par la prise en compte de la nouvelle technologie informatique qui a supplanté tous les autres systèmes de composition. »

Un ordinateur figure bien sur la couverture.

Voyons ce qu’il dit à propos des guillemets.

p. 139 (dans cet extrait, tous les crochets sont d’origine) :


154. Les guillemets
Les guillemets ( « » ) indiquent :
1) Les citations :
a) dans les citations simples, un guillemet ouvrant [ « ] se met au début de la citation. Mais lorsque celle-ci porte sur plusieurs alinéas successifs, on met un guillemet ouvrant [ « ] à chaque alinéa et la citation se termine par un guillemet fermant [ » ] :

Il termina ainsi :
« Toute femme intelligente, au cœur généreux,
sentira peser sur elle une responsabilité sociale.
« Si elle est ouvrière, employée, épouse, mère de famille… »

b) dans les citations doubles ou triples (citations de citations), on met un guillemet ouvrant au début de chaque citation et au commencement des lignes des deuxième et troisième citations, ainsi qu’aux alinéas indiquant la suite de chacune d’elles. Enfin la citation est terminée par un guillemet fermant :

« Si nous nous reportons à l’exposé des motifs… :
« La Direction générale des contributions
« directes a fait mieux encore dans le sens
« de son opinion…
« Enfin, dit-elle dans son mémoire, depuis
« l’arrêt de la Cour de cassation de 1876, le
« législateur… La loi du 26 janvier 1892
« dispose en ces termes, dans son article 26 :
« Est supprimé à dater du 1ᵉʳ avril 1892… »

2) Il est possible d’adopter une autre méthode également acceptée : celle-ci emploie le guillemet fermant au commencement des lignes des citations de citations.
Ces deux méthodes sont admises. Il est préférable, quand il n’existe pas de précédent, de choisir l’une de ces deux marches en accord soit avec l’auteur, soit avec le client.

p. 140 :


3) Il ne faut jamais mettre de guillemets à chaque ligne des simples citations.
4) On ne met pas de guillemets avant et après les vers intercalés dans une citation :

Rivarol vantait un jour dans une société les
mérites du style le Buffon :
« Ne me parlez pas de votre Buffon, s’écria
d’Alembert, de ce naturaliste…
— Vous avez raison, réplique Rivarol, c’est
comme ce sot de Jean-Baptiste (Rousseau) qui
s’avisa d’écrire :

Des bords sacrés où naît l’Aurore
Aux bords enflammés du couchant…
au lieu de dire tout simplement de l’est à l’ouest. »

Fin de citation. La section sur les guillemets va jusqu’à la page 142 en continuant la liste numérotée avec un certain nombre de détails, comme le fait de ne pas mettre entre guillemets les noms des animaux (ce qui relève aussi de la politesse). Jʼai essayé de reproduire lʼindentation fidèlement depuis l’original, notamment tout à la fin de l’extrait.

Jʼai eu beau chercher sur internet, je n’ai pas trouvé de pseudo-classe CSS qui s’appellerait « each-line » ou quelque chose du genre et qui permettrait de faire précéder d’un guillemet chaque ligne d’un texte sans que celui-ci soit découpé en éléments. Pourtant ce serait génial, car une telle astuce permettrait de publier des pages web de style baroque ou romantique[1]. Il paraît qu’il y ait moyen de le faire dans LaTeX. Peut-être cette fonctionnalité est aussi incluse dans InDesign et QuarkXPress. Il fallait bien savoir comment cela passe sur les ordinateurs.

Déçu, j’ai feuilleté la dizaine de guides et monographies qui entourent le Nouveau guide typo sur l’étagère, noté l’ISBN de trois d’entre eux pour en charger les fiches dans Zotero une fois rentré. Cʼest là que j’ai vu le nom de Louis Guéry. Jʼavais vu que dans cet ouvrage, les guillemets anglais sont recommandés pour les citations de deuxième niveau. Alors je me suis dit que ça vaut le coup de fournir des extraits. Malheureusement c’était tard le vendredi et la BU allait bientôt fermer ses portes, mais j’y suis retourné (à vélo) quand même.

Au final, c’est Louis Guéry[2] qui aura sauvé la situation.

Louis Guéry

Face au besoin urgent des journalistes et autres utilisateurs d’ordinateurs de pouvoir disposer d’un guide pratique au quotidien, Louis Guéry a relevé le défi d’abréger.

Titre : Abrégé du code typographique à l'usage de la presse

Auteur : Louis Guéry

Éditeur : Victoires Éditions

Lieu : Paris

Diffusion : Presses universitaires de France

Édition : 8ᵉ

Année : 2010

Voir sur Amazon

Du même auteur : Le Dictionnaire des règles typographiques, chez le même éditeur dans la même collection.

Dans la section Espaces et ponctuation, page 65, on apprend que les guillemets s’accompagnent d’une « espace-mots insécable » à l’intérieur :

guillemet ouvrant : espace-mots sécable   « espace-mots insécable
guillemet fermant : espace-mots insécable » espace-mots sécable

Une note précise qu’« il n’y a pas d’espace-mots entre le guillemet fermant et la ponctuation qui peut le suivre ». Bon à savoir quand il est suivi d’une autre ponctuation double.

Désireux d’en savoir plus sur l’« espace-mots insécable », je note page 66 à Espaces qu’il est question de photocomposition, et qu’en photocomposition, les espaces à valeur fixe sont toujours insécables [la plupart le sont aussi en traitement de texte]. Il y a le cadratin, le demi-cadratin, et le quart de cadratin, « parfois encore appelé espace fine ». Elle est effectivement plus fine que « l’espace-mots normale [qui] égale en principe, selon la règle typographique, un tiers de cadratin ».

Ces renseignements précieux vont nous servir dans la partie En pratique, au bas de cette page.

Et les guillemets ? Cʼest page 66 et 67 :


Le guillemetage des citations :

[…]

  • Si la citation comporte plusieurs alinéas, on répète le guillemet ouvrant au commencement de chacun d’eux.
  • Si une seconde citation est incluse dans la première, elle se place entre des guillemets anglais ouvrant et fermant, sans influencer le guillemetage de la première citation. L’habitude veut que chacune des lignes de la citation incluse commence par un guillemet anglais ouvrant.

Graphiquement très claire, cette différenciation des niveaux de guillemets marque un net progrès face à la règle héritée, surtout si en plus, l’on ose faire abstraction de ce que « l’habitude veut » en matière de guillemets de début de ligne. Ce rôle donné aux guillemets dits anglais peut aussi être vu comme synonyme d’ouverture au monde, s’il est vrai que les guillemets (doubles) apostrophes étaient stigmatisés pour leur origine et ont dû être vus comme des corps étrangers quand par malheur un typographe s’était égaré à en truffer un texte français. Voilà : ces temps sont loin, et nous voilà aujourd’hui beaucoup plus décomplexés face aux guillemets.

IL ne faudrait peut-être pas négliger non plus le côté économique. Les citations de deuxième niveau sont somme toute assez rares. Valait-il la peine de faire fondre rien que pour elles un type de guillemets spécifique coordonné, les guillemets simples chevrons ‹ … › ? Certes, des usages philologiques en sont aussi signalés[3]. Donc, en avant les guillemets anglais ! D’aucuns les trouvent même plus jolis[4]. Au moins on aura l’occasion d’en placer de temps à autre.

Imprimerie nationale

Normalement, l’Imprimerie nationale est la référence en matière de typographie française. Ce statut semble avoir conduit à certaines dérives suite à la constitution d’une fan base qui attache une valeur émotionnelle au Lexique censé détailler les « règles en usage à l’Imprimerie nationale ». C’est ce statut culte qui empêche certaines mises à jour du contenu tout en obligeant à suivre la référence, actuellement par réimpression de l’édition de 2002, 9 fois jusqu’en 2015[5]. Pourtant, une recherche sur le site de l’Imprimerie nationale ne renvoie aucun résultat.

De toute manière, ce que l’on constate, c’est que tout au long du Lexique de 2002, y compris dans l’entrée traitant des guillemets de citation (à partir de la page 49), les guillemets chevrons sont composés avec une espace fine insécable comme les points d’interrogation et d’exclamation, tandis que la vue d’ensemble de l’espacement des ponctuations (tableau page 149) leur associe l’espace insécable justifiante, comme au deux-points, lequel est réellement composé ainsi dans le Lexique.

Cela et peut-être d’autres discrépances ont conduit à l’idée que « L'imprimerie nationale […] ne suit pas tou[j]ours non plus ses propres "règles" qui ne sont que des suggestions. »[6]

Cela n’empêche pas de regarder plus en détail le Lexique, qui reste malgré tout un ouvrage de référence :

Titre : Lexique des règles typographiques en usage à l'imprimerie nationale

Auteur : Collectif / Jean-Luc Vialla[7]

Éditeur : Imprimerie nationale

Lieu : Paris

Édition : Nouv. éd. à jour[8]

Année : 2002

Voir sur Amazon


L’entrée « Citations », page 49, commence par une mise au point sur le fait que les guillemets ne sont pas le seul moyen de marquer les citations.


Une bonne compréhension du texte ne s’obtient que si l’on en isole les divers éléments. La typographie offre à cet effet plusieurs procédés :
― emploi d’un corps inférieur ;
― emploi de l’italique et, moins fréquemment, du gras ;
― emploi d’une ponctuation appropriée (guillemets et tirets) pour isoler la citation lorsqu’elle est composée dans le corps et les caractères du texte ;
― adoption d’une disposition particulière dans la présentation.
Bien que l’usage ait créé des habitudes, aucune règle stricte n’assigne tel procédé à tel cas. On doit tenir compte de la nature de l’ouvrage, de l’étendue et de la fréquence des citations, des préférences de l’auteur et, surtout, de la disponibilité des divers procédés : Si l’on veut, par exemple, dans une citation guillemetée, mettre en évidence un ou plusieurs mots, on évitera l’emploi du romain guillemeté, surtout si cette citation contient une citation de deuxième rang ; l’italique ici sera préférable. Dans un texte en romain comportant de nombreuses parties en italique ( […] ), on emploiera par contre, de préférence, le romain guillemeté ou le gras. Le choix est donc conditionné à la fois par l’usage et les circonstances, l’essentiel étant d’unifier ces emplois dans un même ouvrage, une même collection  […] 

Citer ce passage in extenso est indispensable pour authentifier la recommandation d’en finir avec les dogmatismes et de laisser aux auteurs la liberté d’utiliser la ponctuation de la manière la plus expressive possible si la clarté de l’énoncé l’exige. Le Lexique se relativise lui-même, et toutes les règles de guillemetage qui suivent sont purement facultatives. Justement, elles ne reflètent pas tout l’« usage » de l’Imprimerie nationale. « Quand elle doit reprodui[]re des ouvrages, elle doit en respecter la forme. »[9]

Prenons l’exemple particulièrement curieux d’une citation de deuxième niveau qui se termine en même temps que la citation de premier niveau qui la contient.

Ce passage se trouve page 51 du Lexique :


Une citation peut elle-même comporter une autre citation, dite de deuxième rang, qui devra être isolée de la première par des guillemets. Lorsque la première citation est elle-même placée entre guillemets, chaque ligne de la seconde débutera par un guillemet ouvrant.
Si les deux citations se terminent ensemble, on ne composera qu’un guillemet fermant :

Et La Fontaine de conclure l’anecdote qu’il rapporte sur son inspirateur :
« Cette raillerie plut au marchand. Il acheta notre Phrygien trois oboles et dit
en riant : « Les dieux soient loués ! Je n’ai pas fait grande acquisition, à la
« vérité ; aussi n’ai-je pas déboursé grand argent. »


Si le texte continue, on aura du mal à savoir qui parle, de La Fontaine ou du narrateur.

Le Lexique poursuit par quelques précisions :


NOTA. — Guillemets ouvrants et guillemets fermants ne doivent pas être employés les uns pour les autres. C’est ainsi que les citations de deuxième rang ne doivent jamais être marquées en début de ligne par des guillemets fermants, comme cela se pratique parfois fautivement.

Allusion à la pratique alternative évoquée dans le Nouveau code typographique, cité plus haut.


De même, on n’emploiera qu’exceptionnellement dans un texte en français les guillemets anglais ouvrant[][10] (“) et fermant[] (”).

Si l’on veut bien suivre l’intégralité des règles du Lexique, les guillemets anglais (ou guillemets doubles apostrophes) serviront donc de guillemets d’ironie, usage en principe rarissime, surtout utile dans les traductions de textes de l’anglais américain[11]. Et pour les citations de second niveau, le choix se portera sur les guillemets simples chevrons, car ils favorisent la « bonne compréhension du texte », et ils s’ajoutent au répertoire des moyens pour peu que l’on tienne compte « surtout, de la disponibilité des divers procédés ». Disponibles, les guillemets simples chevrons le sont, et pas seulement depuis Unicode, comme on va le voir tout de suite.

Latin-1 ou CP 1252 ?

Notons que dans Latin-1 et Latin-9, les seuls guillemets typographiques disponibles sont les guillemets français. Cela pouvait être une raison de ne pas en utiliser d’autres.

Or dans la page de codes Windows 1252 ainsi que dans son homologue MacRoman, on trouve non seulement les guillemets apostrophes typographiques, mais aussi les guillemets simples chevrons. Une raison de ne pas utiliser ces derniers est peut-être de rester interopérable avec Latin-1, tant utilisé qu’il a fallu fournir Latin-9 pour l’€ (et l’œ, l’Œ, l’Ÿ et d’autres lettres manquantes, enfin). La seule représentation Latin-1 des guillemets simples chevrons seraient les chevrons ASCII < et >, qui ne vont pas du tout, contrairement aux dits « gants de toilette »[12] " et ' qui pendant longtemps paraissaient ne pas choquer une grande partie des utilisateurs.

Mais aujourd’hui que quasiment tout a été basculé vers Unicode, je peine à trouver une excuse technique plutôt qu’une question de préférences personnelles. Or si les Allemands utilisent couramment aussi les simples guillemets chevrons, et que les Romands s’en servent même en français, il faudra chercher loin pour prouver que lesdites préférences ne sont pas vraiment très personnelles. Ils s’appellent d’ailleurs demi-guillemets français en Allemagne, où l’on peut mélanger les guillemets pour augmenter le contraste (»‚…‘«, „›…‹“, un peu comme en France mais pas tout à fait), ou éviter de les mélanger pour harmoniser la typographie (»›…‹«, „‚…‘“)[13]. En Suisse, notamment en Romandie, il serait question au contraire de doubles et simples guillemets, genre comme ils pourraient s’appeler en France aussi.

Au fait : pourquoi écrit-on ? Pour faire passer un message précis ? Pour se faire plaisir à soi ? Si les deux vont ensemble, tant mieux. Mais la priorité semble être de ne pas indisposer ses lecteurs tout en leur rendant service. Seulement voilà : cette mode selon laquelle les mêmes guillemets servent tantôt pour marquer une citation ou un terme cité, tantôt un terme critiquable dont on met en question la signification habituelle[14], n’a-t-elle pas tout pour fâcher celles et ceux d’entre nous qui aiment la rigueur plutôt que l’ambiguïté ? Donc par pitié pour la lectrice et le lecteur, utilisons les ressources disponibles pour bien distinguer les deux usages des guillemets, en réservons les guillemets doubles apostrophes à l’emploi dont ils partagent l’origine.

Grâce à cet effort de clarification tellement français, on donne aux citations imbriquées un air plus familier. IL n’y a pas de guillemets plus français que les ‹ … ›, à part les « … ».

D’ailleurs, est-ce que personne n’était vexé de ne pas disposer d’un jeu complet de guillemets, c’est-à-dire composé de doubles et de simples ?

  • Les Américains nichent les citations comme ça : “… ‘…’ …” ;
  • les Britanniques les nichent comme ça : ‘… “…” …’ ;
  • et nous, on les nicherait comme ça : « … “…” … » ;
  • ou plutôt comme ça : « … ‹ … › … »?

Licence de ponctuer

Des exemples comme celui du tiret dans le Nouveau guide typo où ne figure que le tiret cadratin (à en juger d’après sa longueur) sans qu’aucune mention ne soit faite du tiret demi-cadratin, et même en l’assimilant au « moins », mais aussi cette faute bizarre dans le même ouvrage où dans un titre, « deux points » s’écrit sans trait d’union alors même qu’à la ligne suivante, juste en-dessous, on lit « deux-points », indiquent un manque de sérieux et jettent ainsi le discrédit. Cela impose un certain nombre de précautions. La promesse de mettre l’ouvrage à jour pour « les utilisateurs d’ordinateurs » semble non tenue. Cinq ans après la sortie d’Unicode et d’ISO/IEC 10646, le lecteur pouvait s’attendre à en trouver des traces partout. Mais non. L’impression d’être largués par l’auteur n’est pas loin. Pour être indulgent, disons que voilà encore un de ces ouvrages qui font abstraction de l’existence d’Unicode, comme s’il était encore possible de parler typographie numérique sans parler d’Unicode.

Louis Guéry / Victoires

Heureusement il y a une issue de secours. Elle est sur la quatrième de couverture du livre de Louis Guéry. Ce texte n’est probablement pas de l’auteur lui-même mais de son éditeur, comme beaucoup de quatrièmes de couverture, mais peu importe :


L’orthographe ne sert à rien. Sauf si l’on comprend mieux ce dont il s’agit lorsque l’on écrit « tonneau d’eau » plutôt que « tonodo ». Il en est de même des règles typographiques, qui n’ont d’autre but que de faciliter la lisibilité du texte. Or, aujourd’hui, ce ne sont plus des typographes hautement qualifiés qui composent les textes dans la presse et dans l’édition, mais les secrétaires d’édition, les auteurs ou les journalistes eux-mêmes.
Ce petit livre  […]  est également destiné à tous ceux que les règles typographique [sic] passionnent… ou effraient et qui souhaitent rendre plus lisibles leurs écrits. Quant à l’avalanche de textes qui inondent la toile, gageons qu’une modeste partie finira bien par « subir » la correction. On a le droit d’être optimiste !

Ouf, on respire. Toutes ces règles qui nous sont imposées d’un ton ferme, comme dans le Nouveau code typo, n’auraient « d’autre but que de faciliter la lisibilité du texte ». Si d’aventure elles avaient l’effet contraire, elles seraient d’office caduques et obsolètes. Pour être remplacées par… d’autres règles ?

Marie-Adrienne Carrara

Des règles, il en faut, comme nous le rappelle Marie-Adrienne Carrara dans « Guillemets français ou anglais ? » (À propos d’écriture) : « pas questions de satisfaire les goûts individuels. Il s’agit d’une question de code typographique et de l’usage correcte d’une langue. Et nous ne sommes pas libres de modifier les règles du français, et encore moins les conventions qui le véhiculent. » Avant de répondre à une question d’Anne Vacquant :


anne vacquant :

j’ai en effet constaté que les éditions récentes employaient moins de guillemets que les éditions anciennes.
pourquoi? économie de caractères?
il faudrait pourtant s’entendre…


Marie-Adrienne Carrara :

Bonjour

Non, à mon sens juste l’évolution de l’écriture comme tous les autres arts. On ne peint pas aujourd’hui comme il y a cinquante ans.
Bien à vous


Les auteurs, comme les peintres, sont souvent à la recherche de l’équilibre subtil entre « le goût personnel » et les attentes du public. Entre les deux, les critiques cherchent à imposer aux auteurs les règles qu’ils avaient reçus de leurs prédécesseurs[15]. De la sorte, ils sont amenés à se positionner quelque part dans le vaste champ des possibles entre d’un côté le gage de stabilité voire le rempart contre la “décadence”, et de l’autre côté, l’obstacle au “progrès” et l’ennemi de la créativité.

Sous ce jour, voir les autorités en typographie se saborder et laisser le champ libre avant d’imploser une à une est d’un côté inquiétant, très inquiétant. Une telle crise risque de décrédibiliser le secteur, surtout quand des organisations professionnelles s’en portent les garants (comme c’est le cas du Nouveau code typographique). D’un autre côté, nous pouvons rester optimistes, en effet, car cela nous laisse la liberté et le devoir de prendre nos responsabilités individuelles et collectives et de faire de notre mieux à l’aide des caractères existants tels que nous les trouvons dans Unicode, abstraction faite de certaines informations biaisées qui accompagnent certains d’entre eux, sans manquer toutefois de consulter le Standard Unicode, ses nombreux annexes, la base de données en ligne, le registre des documents et les listes de discussion.

Une synchro bépo-azerty ?

Si les guillemets simples chevrons sont utiles et si le bépo doit avoir les mêmes performances que l’azerty AFNOR, ces deux ponctuations devraient être placées sur touches vives, dans l’idéal sur les mêmes que les guillemets doubles chevrons. Ainsi le bépo a l’avantage d’avoir ces derniers en accès direct, tandis que l’azerty AFNOR a l’avantage de les avoir sur la rangée de repos et même sur des positions de repos.

Il s’agit donc de voir comment on peut faire. Pour référence on prend la rangée E de la version 1.1rc1 qu’on peut représenter sous forme de tableau à une ligne par niveau.

  • En grisé, les caractères de la carte simplifiée, imprimés sur les claviers existants, mais aussi quatre opérateurs qui doivent absolument être figés pour la cohérence, quand bien même ils ne sont pas gravés dans le plastic.
  • En vert, les caractères pouvant éventuellement être redisposés.
E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¬ ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ ×
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %

Proposition 1

Le plus simple, mais aussi le moins cohérent (on dira peut-être que ç’a été fait après coup), est de profiter du changement des opérateurs inférieur ou égal et supérieur ou égal pour y mettre non pas la variante à égal parallèle, préférée en France, mais les simples guillemets français. En fait, ce n’est même pas plus mal, car ces opérateurs devraient être sur les touches des symboles inférieur et supérieur.

Au final, c’est la possibilité la plus cohérente avec le bépo actuel. En plus, cela élimine le désaccord entre ceux qui préfèrent les symboles ⩽ ⩾ pour leur francité, et ceux qui préfèrent les symboles ≤ ≥ pour leur interopérabilité : on enlève tout et on met autre chose. Du coup, le bépo devient encore plus français (ou francophone). Pas de souci pour les symboles : dans la touche morte ‹ symboles scientifiques ›, il reste deux places sur les touches à côté (clavier bépo3 et clavier bépo4, celles qui portent les < >), au même niveau que celui où se trouvent les ≤≥ — donc parfait, aucune discrimination.

Je dirais que c’est l’option moyennement ergonomique et qui a l’avantage de ne pas toucher aux guillemets doubles apostrophes :

E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¬ ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ ×
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %


Proposition 2

Si je n’ajoute pas une proposition 2, j’ai peut-être l’air de céder à la facilité et de ne pas proposer de réelle alternative. Sincèrement en effet je ne crois pas que l’on puisse ne pas mettre les guillemets simples chevrons sur touches vives alors que l’on y a le symbole non « ¬ » (sur clavier bépo7) et même une place vide sur clavier bépo6.

Voilà qui tombe très bien. Pourquoi ne pas virer le non et profiter de ces deux places adjacentes pour trouver une solution plus rétrocompatible ? Le symbole non est très rare et irait bien dans ‹ symboles scientifiques › sur la même position qui à l’heure d’écrire ceci est vide sur la carte. Côté ergonomie ce n’est pas le rêve mais de toute manière les deux vont certainement rester en ‹ latin étendu et ponctuation étendue ›, au moins pour l’intuitivité de l’accès.

Cerise sur le gâteau : il y a même une petite mnémonique à la clé avec le chiffre 7 qui ressemble un peu à un simple chevron par sa forme angulaire à deux bras. Il pointe aussi dans le même sens que le simple guillemet français qui est proposé ici pour cette position. C’est pareil que pour le symbole non, le même type de mnémonique graphique. Idem avec l’accent circonflexe ASCII sur clavier bépo6, qui a ceci en commun qu’il est un chevron, quoiqu’il ne pointe pas dans la même direction — et qui n’est d’ailleurs pas super accessible non plus malgré sa relative forte fréquence :

E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ ×
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %


Proposition 3

Si l’on décide vraiment de réunir les guillemets chevrons sur deux touches à peu près comme sur l’azerty Afnor, il faudrait redisposer plusieurs caractères en clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr. Les guillemets doubles apostrophes peuvent alors être placés sur des touches avec une mnémonique qui fonctionne différemment, et les fractions aussi.

Or les guillemets doubles apostrophes sont aussi accessibles via des touches mortes classiques suivies du double guillemet générique : clavier bépo`  clavier bépo" (‹ accent grave ›) pour le « “ », clavier bépo´  clavier bépo" (‹ accent aigu ›) pour le « ” », à l’instar des caractères remplaçant les guillemets simples apostrophes dans l’informatique ancienne. On a ainsi accès aussi au « „ » via ‹ tréma ›: clavier bépo¨  clavier bépo". Une variante de guilemet rare mais présente dans Unicode est aussi accessible : le guillemet double apostrophe réfléchie « ‟ » via ‹ tilde ›: clavier bépo~  clavier bépo".

Sur touches vives, la paire utilisée en français et surtout en anglais américain est associée aux chiffres qui lui ressemblent : «  » comme « 66 » sur clavier bépo6, et «  » comme « 99 » sur clavier bépo9. Le guillemet double virgule « „ » de l’allemand quant à lui est bien sur clavier bépo0 (E10) comme étant en bas mais sinon semblable au « ” ».

Parmi les fractions ordinaires, le ¼ va sur la touche de son dénominateur clavier bépo4, le ½ va sur la touche du décuple de sa valeur décimale clavier bépo5, et les ¾ vont sur la touche de la somme de leurs numérateur et dénominateur, clavier bépo7 si le symbole non peut passer en touche morte comme dans la proposition 2.

On peut aussi améliorer la synergie des tirets cadratin et demi-cadratin avec l’espace insécable classique en les doublant en clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr, si le ¶ (appelé « pied-de-mouche » par les typographes) n’est plus utilisé en saisie. Il peut être accessible par clavier bépo^  clavier bépo§.

Par ailleurs le symbole pour mille est très rare, car on écrit plutôt « 0,1 % ». Il peut être facilement accessible par la suite en accès direct clavier bépo^  clavier bépo%, et sa place permet d’ergonomiser le clavier bépo^, s’il est vrai que la place du ^ sur clavier bépo6 ne fait pas l’unanimité au point que l’on considère de le saisir plutôt par clavier bépo^  clavier bépoEspace. Il peut y rester toutefois, comme étant au-dessus de la touche morte éponyme, et simplement être doublé.

Enfin, vu les approximations que l’on rencontre souvent, il semblerait que l’inégalité puisse disparaître de la carte de base (mais rester en clavier bépo/  clavier bépo=) au profit de « ≃ » (asymptotiquement égal) ou « ≈ » (presque égal), ce dernier étant préféré en France paraît-il[16], mais le premier est conforme à la norme[17]. On peut donc mettre « ≈ » sur clavier bépoAltGr+clavier bépo=, et « ≃ » sur clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr+clavier bépo8.

Pour les symboles inférieur ou égal et supérieur ou égal, il faudrait alors opter pour l’accès par touche morte comme dans la proposition 1.

E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ × ^
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %


Proposition 4

Quand Mimoza (discussion) sur la ML, 21 Dec 2017 09:15:23 +0100 a revu la carte de la proposition 3 partagée sur la ML, une proposition rectifiée s’est dégagée, qui s’ajoute ici sous le numéro 4. Le regroupement des semblables en est la ligne directrice.

  1. Parmi les guillemets doubles apostrophes, «  » comme « 99 » reste sur clavier bépo9, et le guillemet double virgule « „ » de l’allemand reste sur clavier bépo0 (E10) comme étant en bas mais sinon semblable au « ” ». Le «  » comme « 66 » par contre est placé sur clavier bépo8. Ainsi les trois sont de nouveau regroupés, autour de la touche clavier bépo9 qui fournit un ancrage graphico-mnémonique.
  2. Parmi les fractions ordinaires, le ¼ et le ½ restent sur clavier bépo4 et sur clavier bépo5 (décuple de la valeur décimale de ½). La fraction ¾ par contre est placée sur clavier bépo6 pour le regroupement.
  3. Le doublage des tirets cadratin et demi-cadratin pour la synergie avec l’espace insécable classique est abandonné et les places sont mieux utilisées pour les prime et double prime, ce dernier sur clavier bépo2 qui est la touche du double guillemet générique.
  4. Le symbole asymptotiquement égal « ≃ » est déplacé de clavier bépo8 sur clavier bépo= pour le regroupement avec le symbole égal et le symbole presque égal « ≈ » (si ce dernier est préféré au symbole différent « ≠ »).
  5. Le symbole pour mille retourne sur la carte vive mais sur clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr + clavier bépo% (vu sa relative rareté), si tant est que le clavier bépo^ (dont la place sur clavier bépo6 ne paraît pas faire l’unanimité mais qui peut y rester quand même) doit être ergonomisé en étant doublé sur clavier bépoAltGr + clavier bépo%.
  6. Le ¶ (appelé « pied-de-mouche » par les typographes) peut lui aussi retourner sur la carte vive en prenant la place du symbole non « ¬ » de nouveau libre, ou ce dernier à la place du ¶ bien qu’ayant été placé à l’origine pour remplir la touche clavier bépo7.

Pour les symboles inférieur ou égal et supérieur ou égal, il faudrait continuer d’opter pour l’accès par la touche morte ‹ symbole scientifique › comme dans la proposition 1, ou alors si les guillemets simples chevrons sont détestés, les mettre à la place de ceux-ci sur clavier bépo2 et clavier bépo3.

E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ × ^
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %


Proposition 5

Le clavier allemand normalisé de 2012 comporte les guillemets simples et doubles chevrons, les symboles inférieur/supérieur ou égal « ≤ ≥ », et le symbole diamètre « ⌀ » sur la carte vive. Au cas où le bépo choisit de mettre sur la carte vive les guillemets simples chevrons, aux dépens des symboles « ⩽ ⩾ », et que la rangée E est réorganisée en conséquence (hors carte simplifiée), on peut en profiter pour promouvoir sur touche vive le symbole diamètre utilisé par une partie des artisans, commerçants et techniciens ou ingénieurs. Actuellement il est sur clavier bépoAltGr + clavier bépoO (D04) de la carte ‹ symboles scientifiques ›.

  1. Le symbole diamètre « ⌀ » peut prendre la nouvelle place du ¶ dans la proposition 4, vu le peu d’usage du « pied-de-mouche » (hors affichage en traitement de texte). Mais il serait préférable de le mettre sur clavier bépo0 (E10), pour lui refaire une mnémonique semblable à celle qu’il a en touche morte, et à cause du guillemet double virtgule.
  2. En effet, le guillemet double virgule «  » de l’allemand est mieux sur clavier bépo7 pour reconstituer la suite telle qu’elle est sur le bépo, car cette disposition est cohérente avec l’usage des guillemets : «  » en allemand, «  » en anglais.

Cela permet aussi de continuer d’éviter de placer le ¶ au milieu de la carte.

Le reste est identique à la proposition 4.

E00 E01 E02 E03 E04 E05 E06 E07 E08 E09 E10 E11 E12
Maj+AltGr ¼ ½ ¾
AltGr < > [ ] ^ ± ÷ × ^
Maj # 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 ° `
Direct $ " « » ( ) @ + - / * = %


En pratique

Pour la clarté du discours écrit, il est recommandable d’utiliser les ‹ … › pour les citations de deuxième niveau, et de réserver les “…” aux guillemets d’ironie s’il convient d’en mettre. En voyant des “…”, la lectrice et le lecteur peuvent se rendre compte immédiatement que ce n’est pas donné comme une citation. Effet à éviter donc à l’intérieur des citations, sauf si la personne citée aurait mis des guillemets d’ironie à l’écrit.

Ainsi, nous pourrons faire attention à ce qui figure entre guillemets de citation, et faire attention avec ce qui est entre guillemets d’ironie.

Selon Thomas Rosset[18], les guillemets simples chevrons s’utilisent aussi en philologie, et sur le projet bépo ils servent à signaler les noms de touches mortes[19].

En français de France, les guillemets simples chevrons prennent chacun une espace insécable du côté creux[20], comme les doubles. Ils ne sont certes pas de « ponctuations doubles », mais ils comptent au nombre des ponctuations dites « hautes » dans l’une des versions de la règle des espaces avec les ponctuations. On peut aussi parler de « grandes ponctuations »[21]. Cela donne par analogie :

simple guillemet ouvrant : espace mots sécable    espace mots insécable
simple guillemet fermant : espace mots insécable  espace mots sécable

Quant à savoir quelle espace, le terme d’« espace-mot insécable » en rapport avec les ponctuations peut induire en erreur, car cette espace est justifiante, On a certes besoin d’une espace insécable justifiante, mais ce n’est pas ce qu’il faut avec les grandes ponctuations. Les logiciels de PAO prennent en charge une deuxième espace insécable qui est de largeur fixe[22], à laquelle correspond l’espace tabulaire U+2007 encodée par Unicode, qui est insécable et de même largeur que les chiffres.

Malgré son comportement dans les traitements de texte[23], l’espace insécable classique U+00A0 est bien justifiante, c’est spécifié dans le standard[24], or les ponctuations nécessitent une espace de largeur (chasse) fixe. En photocomposition, on utilisait « le quart de cadratin, parfois encore appelé espace fine », comme cité plus haut dans la première section Louis Guéry. Or ces espaces typographiques, qui étaient toutes insécables, ont été rendues sécables par Unicode. Pour les rendre de nouveau insécables, il faut ajouter le gluon U+2060 au(x) point(s) de coupure. Les professionnels utilisent donc massivement l’espace fine insécable U+202F[25], malgré qu’elle fût absente du standard durant les sept premières années, jusqu’à la version 3.0 de septembre 1999. Unicode a fini par ajouter aussi une phrase sur l’usage de l’espace fine insécable en français. Ce renseignement y figure seulement depuis que la partie sur les espaces du chapitre 6 a été récrite, soit depuis la version 7.0, parue en juin 2014. Depuis ce moment-là[26], l’alinéa de référence[27] indique :


Narrow No-Break Space. U+202F narrow no-break space (NNBSP) is a narrow version of U+00A0 no-break space, which except for its display width behaves exactly the same in its line breaking behavior. It is regularly used in Mongolian in certain grammatical contexts (before a particle), where it also influences the shaping of the glyphs for the particle. In Mongolian text, the NNBSP is typically displayed with 1/3 the width of a normal space character. The NNBSP can be used to represent the narrow space occurring around punctuation characters in French typography, which is called an “espace fine insécable.”

Cette nouvelle espace fine insécable est deux fois plus large en latin qu’en mongol. Il y aurait moins de raisons d’épiloguer si Unicode n’incluait pas depuis le début une espace ponctuation U+2008 qui, comme l’espace tabulaire U+2007, aurait dû être insécable[28], mais ne l’est pas, ce qui la rend de fait inutile, car les tableaux de chiffres ne se composent plus à l’aide des caractères hérités de l’ère du plomb, alors que sa largeur fixe conviendrait pour espacer les ponctuations en français. Ainsi pendant les sept premières années, le français n’était pas vraiment pris en charge par Unicode, sans doute parce que la France n’insistait pas, contrairement au Vietnam qui, pendant la publication de la première version d’Unicode[29], s’efforça en septembre 1991 avec succès de faire encoder toutes les lettres diacritées (dont beaucoup avec deux diacritiques) utilisées pour écrire le vietnamien en caractères précomposés (manière de faire qui n’était pas prévue). Pourtant, des réunions ISO/IEC pour la 10646 se tinrent à Paris et à Rennes le mois suivant (octobre 1991).

Ce retard explique que l’espace fine insécable n’est pas disponible dans toutes les polices créées ou mises à jour au format Unicode, comme Courier New qui est par conséquent obsolète et inutilisable en français (et ne sert de fait qu’à afficher du code). Des polices à chasse fixe raisonnablement à jour d’Unicode sont Consolas et Libération Mono.



Notes et références

  1. Selon Wikipedia, les guillemets au début de chaque ligne étaient d’usage au temps du baroque et du romantisme. Même pour les citations de premier niveau, raison pour laquelle le Nouveau guide typo précise que cela ne se fait plus aujourd’hui.
  2. Cité dans l’article Wikipédia sur le Lexique de l’Imprimerie nationale.
  3. Dans Signes de ponctuation occidentaux (Atelier design graphique), Thomas Rosset cite les guillemets simples chevrons en tant que « Guillemets français simples en forme de chevron (‹ ... ›), séparés de leur contenu par une espace insécable (usage philologique) ». Mais sans les faire figurer dans la liste marginale.
  4. Cet argument esthétique est ce que Marie-Adrienne Carrara doit affronter dans Guillemets français ou anglais ? : « Et là, je vous entends déjà : ‹ Oui mais moi je préfère les guillemets anglais, c’est quand même plus joli !›» (ponctuations et espaces adaptées. n.d.r.)
  5. Voir Sudoc.
  6. Philippe Verdy dans un mail dans l’archive de la ML d’Unicode.
  7. Jean-Luc Vialla est l’auteur de la 4ᵉ édition, 1997 ; voir dans le Sudoc.
  8. Il y a une incertitude quant au numéro de l’édition de 2002, qui devrait être la 5ᵉ si celle de 1997 était la 4ᵉ, mais elle est donnée comme la 3ᵉ édition, voir Sudoc.
  9. Philippe Verdy dans un mail à la ML publique d’Unicode.
  10. Le texte original a les attributs au pluriel, mais il s’agit chaque fois d’un seul guillemet, même s’il est double. Et comme il doit s’agir d’une exception, on aura même peu de chances de trouver un deuxième guillemet ouvrant dans le texte.
  11. L’utilisation des guillemets comme guillemets d’ironie a été inventé aux États-Unis par Elizabeth Anscombe en 1956.
  12. [1]
  13. Copiés-collés depuis Wikipedia
  14. Le journal québecois Le Devoir a publié une tribune à ce sujet intitulée « Les antiguillemets comme symboles de la postvérité ». Lire aussi les commentaires : « Moi aussi je n'en ai cure de l'utilisation ironique ou autre des guillemets, a l'anglo-saxonne. Je continuerai donc à les utiliser pour bien marquer une citation exacte à l'intérieur d'une phrase. Tout simplement. Comme il se devait et se doit encore. »
  15. Dans l’article « Block quotation » de Wikipedia anglophone, on trouve cette citation d’Henry Fielding (Tom Jones, 1749) dans un exemple de mise en forme : Now, in reality, the world have paid too great a compliment to critics, and have imagined them men of much greater profundity than they really are. From this complaisance the critics have been emboldened to assume a dictatorial power, and have so far succeeded that they are now become the masters, and have the assurance to give laws to those authors from whose predecessors they originally received them.
  16. La notation de l’approximation est si diverse que des mathématiciens ont pu affirmer qu’elle n’est pas normalisée : <https://math.stackexchange.com/questions/864606/difference-between-%E2%89%88-%E2%89%83-and-%E2%89%85>, <https://www.quora.com/What-is-the-difference-between-%E2%89%88-and-%E2%89%85>.
  17. La norme de référence est ISO/IEC 80000-2 <https://en.wikipedia.org/wiki/ISO_80000-2>.
  18. Signes de ponctuation occidentaux (Atelier design graphique).
  19. Jʼai demandé à l’AFNOR que cet usage soit généralisé. Cʼest bien plus clair que la notation AFNOR avec des crochets, utilisés pour les touches vives, et qui en français écrit ont de toute manière déjà une signification bien précise.
  20. Thomas Rosset dans Signes de ponctuation occidentaux (Atelier design graphique).
  21. Je mets des guillemets de citation mais en fait, je me cite moi-même, dans des commentaires d’enquête publique.
  22. En plus, InDesign a la même dualité pour l’espace fine insécable. Voir toutes ces espaces dans Comment paramétrer les espaces dans InDesign.
  23. L’espace insécable U+00A0 est à chasse fixe dans les traitements de texte sauf dans Word 2013. En plus de détériorer la typographie française (trop large, et justifiante en-dehors des traitements de texte, par exemple sur le web), cela pose surtout des problèmes ennuyeux en polonais, voir Non‐breakable space justification in Word 2016.
  24. Voir dans l’annexe Unicode sur la coupure de ligne : « When expanding or compressing interword space according to common typographical practice, only the spaces marked by U+0020 space and U+00A0 no-break space are subject to compression, and only spaces marked by U+0020 space, U+00A0 no-break space, and occasionally spaces marked by U+2009 thin space are subject to expansion. All other space characters normally have fixed width. »
  25. Lire les explications de Philippe Verdy, dans l’archive de la ML d’Unicode.
  26. Référence : version 10.0, 2017.
  27. Standard Unicode, version 10.0, 2017, page 269.
  28. L’annexe Unicode sur la coupure de ligne Unicode Line Breaking Algorithm décrit les différents comportements des caractères en fin de ligne.
  29. Voir la chronologie de la version 1.0 d’Unicode : Chronology of Unicode Version 1.0.